Amitié platonique: le point de vue de l'homme

Ou ce que Jeff pense de sa relation platonique avec Juliet. Comme j'ai étudié le cinéma, je peux comprendre que devant cette photo de Juliet et moi prise en 2001, on imagine une histoire à la Rose bonbon, celle d'un ado éperdument épris de sa meilleure amie sans pouvoir le lui avouer. Interpréter une oeuvre d'art consiste à extrapoler à partir des indices qu'elle veut bien nous livrer. Cependant, dans la vraie vie, les gens et les relations humaines ne sont jamais aussi simples que dans les films ou les livres. Je suis moi-même incapable de me rappeler ce que je pensais exactement quand j'ai passé mon bras autour de Juliet pour prendre cette photo en colonie de vacances. J'imagine que je me suis dit ce que je me dis tout le temps dans ces cas-là: cheese. Ce que je sais en revanche, c'est que je n'aspire absolument pas à une relation amoureuse avec Juliet, et ce depuis très longtemps. Tel était d'ailleurs le propos de sa série d'articles: un garçon et une fille, un homme et une femme, peuvent être sincèrement amis sans que «le sexe s'en mêle». De nombreux lecteurs ont manifesté leur désaccord; pour eux, ce type de relation platonique n'existe pas. Soit l'homme aime secrètement la femme, soit il veut secrètement coucher avec elle. Ou alors il est homo. Beaucoup de commentateurs ont aussi demandé pourquoi je ne racontais pas ma version des faits, comme si j'avais quelque chose à cacher. Rien à cacher Non, je n'ai rien à cacher. Juliet n'a jamais soutenu que l'amitié platonique excluait toute forme d'attirance. J'ai bien ressenti un petit quelque chose pour l'embrasser deux fois. Et pareil pour elle. Mais la vraie question est peut-être de savoir pourquoi nous sommes devenus amis après avoir tenté l'amourette. Et là, je ne peux que spéculer, dans la mesure où ce que j'ai ressenti à 13 ans est aussi obscur pour moi que pour les lecteurs de Slate. Je me souviens en tout cas qu'à l'adolescence, mon attirance pour Juliet était proche de l'indifférence. Elle ne faisait pas partie des filles que je convoitais. Non que je l'aie trouvée repoussante, mais les deux fois où je l'ai embrassée, j'aurais préféré être avec quelqu'un d'autre. (Notre premier baiser a été motivé par l'obligation sociale de trouver quelqu'un, n'importe qui, à bécoter le soir de la fête de l'Indépendance. Je crois que nous avons «rompu» le lendemain.) Je m'exprime sans gêne car je sais que Juliet pense la même chose de moi. Elle me l'a répété au fil des ans, et ses dires ont été confirmés par les hommes avec qui je l'ai vue sortir. Même si, physiquement, «on faisait la paire», pour reprendre sa formule, elle n'était pas mon «genre» et je n'étais pas le sien. Pendant un bref instant de l'année 1996, nous nous sommes rapprochés faute d'autre chose. De fait, je suis d'accord avec ceux qui se demandent pourquoi un homme et une femme hétérosexuels qui s'attirent sur les plans affectif, intellectuel et physique choisiraient l'amitié platonique. La non concrétisation ne peut alors tenir qu'aux circonstances, par exemple si l'un ou les deux sont déjà engagés dans une relation. Comme frère et soeur Par contre, je ne suis pas d'accord avec ceux qui pensent qu'un homme hétéro n'envisage les rapports avec les femmes que du point de vue charnel. Il existe sûrement des hommes ainsi faits, qui n'ont pas d'exigences particulières en la matière. En ce qui me concerne, outre Juliet, j'ai des amies femmes très proches avec qui je n'ai jamais envisagé de rapports physiques, parce qu'elles ne m'attirent pas. Juliet et moi avons eu d'innombrables occasions de passer à l'acte. Mais, comme nous n'étions pas attirés l'un par l'autre, nous avons développé un autre type de lien. Aujourd'hui, nous sommes amis